Luc AMETODOU

     

COMMENT SE CONSTRUIRE AVEC ET DANS L’ADVERSITE.

Luc AMETODOU

     L’adversité est comme une évidence dans la vie de toute personne. Elle n’attend pas d’être désirée avant d’arriver. Elle vient en quantité comme en qualité et a généralement deux résultats sur celui qui la « subit ».

      Ou bien elle le construit

      Ou bien elle le détruit

        François n’est pas de nature doux ; il est de tempérament sanguin, prompt à se mettre en colère surtout pour défendre ses idées ou fustiger un mauvais comportement. Mais aujourd’hui, nous parlons de la douceur salésienne. Comment cela a-t-il pu arriver ? 

 Tout dépend de la manière dont on reçoit les événements et ce qu’on les laisse produire sur soi. La question quittera alors le niveau « qu’est-ce que les gens font de toi » pour devenir plutôt : « que fais-tu de ce que les gens font de toi. » L’adversité a joué un grand rôle dans la construction de l’être intérieur de François de Sales. Elle lui a permis de se rendre compte de ses faiblesses et de se résoudre à les dépasser d’une part et les éprouve au jour le jour en lui d’autre part.

D’une manière générale, l’adversaire est tout ce qu’on affronte dans un combat, dans un conflit. Ainsi, il peut être une personne ou toute une entité morale, il peut être aussi les vices dont on a conscience et qu’on veut combattre. C’est pour cela que je diviserai mon partage en deux petites parties.

1ère Partie :
Adversaire comme une personne ou une entité morale

          L’histoire de la vie de François a influencé toutes ses attitudes. Qu’il nous souvienne qu’après sa grande crise à Paris, crise qui reviendra encore à Padoue,  il a fait un acte d’abandon en l’amour de Dieu « quoiqu’il arrive….je vous aimerai, Seigneur, au moins en cette vie, s’il ne m’est pas donné de vous aimer dans le vie éternelle… et j’espérerai toujours en votre miséricorde. » Cette résolution est devenue la boussole de sa vie. Aussi il est convaincu qu’il ne peut pas prétendre aimer Dieu sans aimer l’homme, image de Dieu. Il disait « tout ainsi que l’homme est l’image de Dieu, de même l’amour sacré de l’homme envers l’homme est la vraie image de l’amour céleste de l’homme envers Dieu » ( TAD XII, 12). Cet amour du Christ non seulement le pressait ( référence à Saint Paul), mais surtout le brûlait et le consumait. Il pourra prendre le risque de ramer à contre courant s’il y a nécessité. Et Comme le dit un adage populaire « on ne jette la pierre qu’à l’arbre qui porte du fruit ».ainsi François de Sales a eu des adversaires presqu’à tous les moments de sa vie. Mais sa manière d’accueillir l’ennemi désarme ce dernier ; il part de l’évidence que tout homme est bon, tout homme porte en lui la divinité « Dieu jeta sa divinité en l’homme en sorte que l’homme fût Dieu » (TAD X 17). Attention François de Sales ne nie pas l’existence du mal en l’homme mais il voit l’homme au-delà de son apparence et évite de le réduire à ses actes. En sens pratique, François de Sales s’est laissé séduire par ce passage de l’évangile : « apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. » Dans ses adversités, François utilisait comme armes : la patience, la douceur et tout cela dans l’humilité.

       La Patience chez lui désigne le mûrissement, la constance ou fermeté, la persévérance (cf doc 4e centenaire de la visitation). Parlant de la patience, je suis tenté de passer beaucoup de temps mais je risque de sortir du sujet. Néanmoins, je tiens à souligner que François nous invite à ne pas faire de choix dans la pratique de la Patience. « Ne bornez pas votre patience disait-il à telle ou telle sorte d’injures et d’afflictions, mais étendez-la universellement à toutes celles que Dieu vous enverra et permettra vous arriver. Cf IVD 3e partie, chap3. » cette grande étendue emblavée permet au cœur de demeurer dans une double attitude : une constance et une tension 

       Notre grand saint associe toujours la douceur à la Patience. Au même endroit dans l’IVD, il dit  « ressouvenez-vous souvent que (...) nous devons faire notre salut par les souffrances et afflictions, endurant les injures, contradictions et déplaisirs avec le plus de douceur qu’il nous sera possible. » pourtant, la douceur n’est pas le silence. La vérité est dans mon intérieur. C’est la paix intérieure que je garde malgré le torrent qui est autour de moi. Cette paix intérieure se fait voir dans mes actes extérieurs.

2e partie :
Adversaire comme vices personnels

      Pour toute personne qui veut progresser dans la vie tant morale que spirituelle, les vices sont des adversaires dans la mesure où on les combat sans cesse. Dans ce cas, François de Sales nous invitera à la Patience avec nous-mêmes. Mais attention, François ne veut pas cautionner le plaisir au mal, c’est-à-dire l’habitus au mal ou encore l’inclination au péché. « il faut avoir un déplaisir de nos fautes qui soit paisible, rassis et ferme. » IVD 3e partie chap9. le grand saint nous invite à traiter nos affaires sans empressement et avec une grande sérénité. Nous sommes aussi invités à la pratique de la douceur avec nous-mêmes.

Dans un cas ou dans l’autre, tout commence par la Volonté. Et si François parle de volonté, c’est une force aussi puissante qu’on ne puisse l’imaginer. Il l’oppose à la velléité qui à son tour est très passive. La volonté est une énergie en nous qui nous donne de nous résoudre à faire quelque chose. Toutefois, il va nous inviter à la faire mourir en Dieu. C’est là la nécessité de la relation à Dieu. C’est à ce niveau que tout s’opère, c’est Dieu qui est l’artiste. C’est pourquoi se construire dépend surtout de la relation à Dieu. François nous invitera ainsi à une vie intérieure plus intense.

 Je ne finirai pas mon partage sans parler de la direction d’intention qui nous demande de recevoir les choses comme venant de la main du Père après avoir fait tout ce qui est de notre devoir, et de lui offrir tout ce que nous vivons. C’est là d’ailleurs le rôle du bouquet, fruit de nos résolutions que nous sommes appelés à offrir à la fin de la journée. C’est Dieu qui donne ces vertus et d’une manière gratuite ; elles ne sont en rien les fruits de quelque effort que ce soit. Néanmoins notre optimisme réside dans ce passage de l’évangile :  « si donc vous qui êtes méchants, vous savez donner de beaux cadeaux à vos enfants, à combien plus forte raison le Père offrira du ciel à ceux qui les lui demandent. Lc 11, 13»  

 Conclusion :  
Avec François de Sales, on peut construire sa vie morale, spirituelle, affective ; en effet, on peut construire toute sa personnalité. Mais que faisons-nous de cette richesse issue de notre ancrage ? Je nous inviterais à boire chaque fois à cette source inépuisable qui est la nôtre pour ne pas nous retrouver devant cette réalité qui dit : 

« ils sont près du feu mais ils s’abîment faute de chaleur »