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Interview de Luc Ametodou
par Le Lien des Bords du Lac,

journal de la paroisse Bienheureuse Mère Teresa


  A l’occasion de la fête de saint François de Sales, les 22 et 23 janvier, la paroisse Bienheureuse Mère Teresa a accueilli six jeunes Oblats de saint François de Sales, originaires du Bénin, étudiants à l’Université catholique de Lyon. Le samedi ils ont préparé un plat africain « amiò », qui a été particulièrement apprécié par plus de 70 paroissiens, de même qu’un diaporama présentant leur vie et des actions de développement vécues par les Oblats du Bénin.
L’un d’entre eux a accepté de répondre aux questions du Lien :

Le Lien : Luc, Qui es-tu ?

Luc :        Je m’appelle Luc AMETODOU, benjamin d’une famille de 10 enfants ; je précise que mon père est monogame. Après mon BAC, j’ai exercé comme instituteur pendant 5 ans. Le 15 Septembre 2007, en prononçant les vœux de Pauvreté, Chasteté et Obéissance, je suis devenu religieux oblat de saint François de Sales. Présentement, je suis scolastique c’est-à-dire un religieux étudiant la philosophie et la théologie à l’Université catholique de Lyon.

Le Lien : Tu as choisi de répondre à l’appel du Seigneur en entrant chez les Oblats de Saint François de Sales. Quel appel as-tu ressenti ? et pourquoi le choix de cette famille religieuse ?

Luc :                Si Dieu est capable de nous rejoindre là où nous sommes, c’est d’abord Lui qui nous place là où nous devons être, parce qu’il nous connaît mieux que nous mêmes. Je me demande si c’est moi qui ai choisi les Oblats ; je crois bien que c’est Dieu qui me les a donnés et j’ai accueilli cette proposition comme un cadeau. Ma première idée était d’être seulement prêtre parce que la vie religieuse masculine est très peu connue au Bénin. Après est né le désir de servir Dieu dans une communauté, suite à mon engagement dans un groupe de jeunes de 15 à 30 ans, Feu-Nouveau, qui a comme piliers de vie : la prière et l’Eucharistie, la vie communautaire et fraternelle, le témoignage et l’évangélisation, la formation pour l’avenir. J’y ai pris le goût de la vie communautaire. Pourquoi les Oblats ? J’ai été attiré par leur simplicité dès ma première rencontre avec eux. J’ai découvert une spiritualité pour tous basée sur l’amour. J’ai plongé dans cet abîme d’amour qui m’a conduit jusqu’à maintenant.

Le Lien : Que penses-tu que François de Sales apporte à la culture et à l’Eglise d’Afrique ?

Luc :    Il y a un point très important dans la culture africaine : l’africain accorde une grande place à la relation divin. Cette attitude est tellement extrémisée que lui-même se considère comme rien du tout à côté du divin. De là naissent les peurs envers les divinités, la domination et l’écrasement, atteignant aussi les relations interpersonnelles où une grande place, voire même une vénération, est accordée au plus âgé et ancien. François de Sales libère la culture africaine de la distance qu’elle s’est créée. Avec lui, on est appelé à considérer l’autre comme une image de Dieu comme je le suis moi-même ; l’autre a une dignité comme j’en ai aussi une. Certes nous ne sommes pas Dieu, mais nous ne sommes pas rien non plus. François de Sales nous propose un Dieu qui aime au-delà de toute limite, un Dieu Père au cœur de Mère ; il n’est surtout pas un Dieu qui punit. Annoncer l’amour sans vivre de l’amour serait une contradiction et l’amour n’est pas du tout écrasement, domination.

 

Le Lien : Tu fais des études et tu vis en communauté en France, à Lyon. Comment perçois-tu cette vie, par rapport à la réalité de ta vie au Bénin ?

Luc :    Je suis dans une communauté à 80% béninoise. Une partie de la réalité béninoise nous suit. Deux communautés ne se ressemblent jamais ; on ne va donc pas s’attendre ici à une copie d’une communauté du Bénin. Ce qui sûr, c’est que nous avons François de Sales en commun. Je suis venu en France pour les études. En tant que scolastique, les études constituent pour moi une mission. Elle est pour moi une chance parce que possibilité d’ouverture à une autre culture. Tout en découvrant les richesses d’une culture, on se rend compte des richesses de la sienne et on la critique mieux. Mon arrivée ici est comme une montée en hauteur ou une prise de distance par rapport à ma culture ; ce qui me permet de mieux l’articuler avec la spiritualité salésienne.

 

Le Lien: Comment vois-tu l’avenir de l’Église aujourd’hui en France et en Afrique ?

Luc :    Je suis très optimiste sur l’avenir de l’Eglise tant en France qu’en Afrique. L’Église est sous la mouvance de l’Esprit saint et repose sur « Pierre ». Elle est en train de sortir d’un certain fidéisme (l’Afrique en est très loin sur ce plan à cause de sa culture). Aujourd’hui, elle articule la Foi et la Raison ; l’essentiel est de ne pas trop tirer sur la ficelle pour éviter toute « extrémisation ». L’Église ne peut pas se passer de la société dans laquelle elle vit ; il n’y a pas de mission sans terre de mission. Elle est envoyée en mission dans et pour le monde. Du coup l’évolution de la société exige une certaine évolution de  l’attitude de l’Église. Face à une société qui a tendance à perdre les valeurs morales dans son « développement », l’Église a besoin de savoir garder sa position ; il y a ainsi nécessité de prudence.

 

Le Lien :: Si tu avais un message à nous donner, quel serait-il ?  

Luc :    Si j’ai un message à donner, c’est une citation de François de Sales qui dit « Soyons ce que nous sommes et soyons-le bien, pour faire honneur au maître ouvrier duquel nous sommes la besogne. » Buvons à la source inépuisable de François de Sales pour éviter de nous retrouver un jour dans la réalité de cet adage africain : « Ils sont près du feu, mais ils s’abîment par manque de chaleur ».

 Je vous remercie de me donner l’opportunité de revoir le mystère de ma vocation.

Que le nom de Dieu soit béni !